Lire la poésie - GRANDS CORPS MALADE
3PREPRO- FR-P2
- Développer son point
de vue - Partie 2 - Thème 3 - Ecrire et dire un poème
J'écris à l'oral
Album Enfant de la ville, 2008
Texte de Grand Corps Malade
Sur une musique de Feed back & Alejandro Barcelona
Anouche Productions
C'était un soir sans histoire, une fin de journée au destin sobre • 21 heures sans espoir, un mercredi d'octobre • Sur le macadam fatigué, trottoirs en pente, rue des Dames Très loin des drames agités, c'est ma première Soirée Slam • Des êtres humains dans un café sont regroupés pour s'écouter • Ils prennent la parole un par un et mes oreilles sont envoûtées • Des humains à égalité, chacun est libre de se lancer • Le principe est très simple, encore fallait-il y penser • Je suis d'abord resté passif mais j'ai tout de suite rêvé d'action • Je suis d'abord resté pensif pour comprendre cette révélation • J'ai pris une avalanche de rimes et une cascade de thèmes • Si loin du star système, tu restes tard si t'aimes • Quelques instants après, j'ai déterré l'encrier • En créant sans prier pour hurler sans crier • Sans accroc, sans vriller, dans la voix l'encre y est • Pour recevoir sans briller et donner sans trier Le slam a giflé mon esprit puis libère les passions Secouant mon envie créative restée en hibernation A la recherche de ces ambiances dans tout Paris je vais zoner C'est décidé ma voix est libre et son timbre va résonner La poésie dans les bars a rendez-vous avec la vie • Je l'ai vue et tu le vis, je l'avoue je l'ai suivie • Elle prend forme, elle grandit, elle rayonne et elle s'entend • Elle t'enlace et une fois qu'elle te tient elle prend son temps • La poésie dans les bars ne sort pas que de nos voix • Le concept même de ces soirées est un poème qui s'entrevoit La poésie se cache partout, sur le comptoir, dans ton demi Elle déborde sur le trottoir et se propage l'épidémie Moi j'oublierai jamais l'année où j'ai chopé le virus Quand tu trébuches sur un hasard et que tu tombes sur un bonus • Ces soirées où l'on se livre, ces moments où l'on se lève • Des heures à user nos salives, croquer les mots jusqu'à la sève • J'oublierai pas ces instants rares où la nuit sert de terrain • A la recherche de l'éphémère, moitié inquiet, moitié serein • Je sais pas si le bonheur se touche mais on l'a peut-être frôlé 2-3 fois • Dans cette atmosphère un peu louche, se reflétant dans nos voix J'oublierai pas ces cœurs ouverts de toute provenance et de tout âge • Unis dans l'envie de découvrir, dans l'écoute et le partage • Ceux qu'étaient là ne changeraient rien même si tout était à refaire • Et puis en plus un texte dit, c'était quand même un verre offert • Ces soirées sont toujours là mais le mieux c'est quand tu fais connaissance • Rien ne vaut le charme de l'inconnu, la découverte et l'innocence • Cette nostalgie me rappelle souvent que j'ai aussi serré des mains • Des rencontres qui font que t'aimerais qu'hier déteigne sur demain • Je suis toujours plein de motivation et je récidive sans façon Recherchant cette sensation qui vaut bien 700 passions De cette époque non révolue, j'ai reçu un héritage viral Une manie qui ne me quitte plus c'est vrai, j'écris à l'oral C'était un soir sans histoire, une fin de journée au destin sobre • 21 heures sans espoir, un mercredi d'octobre J'ai entendu des voix qui touchent comme des chorales dans mon moral • Depuis j'ai de l'encre plein la bouche, depuis j'écris à l'oral.
Le blues de l'instituteur
Texte de Grand Corps Malade
Allez entrez les enfants et arrêtez de vous chamailler Avancez dans le calme je sais que vous en êtes capables Asseyez-vous tranquillement, chacun sa place, ça y est Ecoutez-moi mais ce matin, n'ouvrez pas vos cartables • On va pas faire de grammaire, de géométrie, de conjugaison On parlera pas de complément d’objet et encore moins de Pythagore • Ce matin pas de contrôle et personne n’aura raison • Aujourd’hui aucune note et personne n’aura tort Les enfants, écoutez-moi, je crois que ne vais pas bien J’ai mal quand je vois le monde et les hommes me font peur • Les enfants, expliquez-moi, moi je ne comprends plus rien • Pourquoi tant d’injustices, de souffrances et de malheurs • Hier soir une fois de trop, j'ai allumé la télévision Sur les coups des vingt heures, c’était les informations • Et tout à coup dans la pièce s’est produit comme une invasion • De pleurs et de douleurs, c’était pire qu'une agression • Hier soir, l’actualité comptait beaucoup plus de morts • Que de cheveux sur le crâne de Patrick Poivre d'Arvor • Et c'est comme ça tous les jours un peu partout sur terre • Je crois qu'il fait pas bon vivre au 3ème millénaire • Comme aux pires heures de l'histoire des hommes se font la guerre • Des soldats s'entretuent sans même savoir pourquoi • S'ils s'étaient mieux connus ils pourraient être frères • Mais leurs présidents se sentaient les plus forts c'est comme ça • Et puis il y a toutes ces religions qui prônent chacune l'amour • Et qui fabriquent de la haine, des assassins, des terroristes • Pour telle ou telle croyance, des innocents meurent chaque jour tout ça au nom de dieu, on sait même pas s'il existe • Les enfants, désolé, on vous laisse l'humain en sale état • Il faut que vous le sachiez alors aujourd'hui j'essaie • Les certitudes des grandes personnes provoquent parfois des dégâts • En fait l'adulte est un grand enfant qui croit qu'il sait • J'ai mal au ventre les enfants quand je vois l'argent mis dans les armes • Dans les fusées, les sous-marins et dans les porte‑avions • Pendant que des peuples entiers manquent d'eau comme nos yeux manquent de larmes • Et voient leurs fils et leurs filles mourir de malnutrition • Apparemment la nature elle-même a du mal à se nourrir • Les hommes ont pollué l'air et même pourri la pluie • Quand il y aura plus d’eau nulle part, faudra garder le sourire • Et même l'odeur des forêts sera tombée dans l'oubli • Les enfants, vous savez ce que c’est des ressources naturelles ? • Si vous savez pas c’est pas grave, de toute façon y'en a presque plus Les mots « humain » et « gaspillage » sont des synonymes éternels • L’écologie à l'école serait pas une matière superflue • Les enfants, désolé, on vous laisse la terre en sale état Et bientôt sur notre planète on va se sentir à l'étroit • Gardez vos doutes, vous seuls pourrez nous sortir de là • L'enfant est un petite adulte qui sait qu'il croit • Ben alors les enfants, vous êtes bien sages tout à coup • J'ai un peu cassé l’ambiance mais je voulais pas vous faire peur • Ce que je veux vous faire comprendre c'est que je compte sur vous • Ne suivez pas notre exemple et promettez-moi un monde meilleur • Allez les enfants, c'est déjà l'heure de la récréation Allez courir dans la cour, défoulez-vous, profitez-en Criez-même si vous le voulez, vous avez ma permission Mais surtout couvrez-vous bien, dehors il y a du vent.
Mental
Texte de Grand Corps Malade
Sur une musique de S Petit Nico
Anouche Productions
S'il y a bien une idée qui rassemble, une pensée qu'est pas toute neuve • C'est que quel que soit ton parcours,
tu rencontres de belles épreuves • La vie c'est Mister Hyde, pas seulement Docteur Jekyll • J'ai vu le film depuis longtemps, la vie n'est
pas un long fleuve tranquille • T'as qu'à voir les réactions d'un nouveau né à l'hôpital • S'il chiale si fort
c'est qu'il comprend que souvent la vie va lui faire mal • Y'a des rires, y'a des pleurs, y'a des bas, y'a
des hauts • Y'a des soleils et des orages et je te parle pas que de météo • On vit dans un labyrinthe et y'a des pièges à chaque virage • A nous de les esquiver et de pas calculer les mirages • Mais le destin est un farceur, on peut tomber à chaque instant • Pour l'affronter, faut du cœur et un mental de résistant • J'ai des cicatrices plein la peau et quelques unes dans mes
souvenirs • Y'a des rescapés partout, j’suis qu'un exemple, ça va sans dire • Ça doit se sentir, faut pas se
mentir, la vie c'est aussi la guérison • Après la foudre, prends toi en main et redessine ton horizon • Y'a des
tempêtes sans visage où on doit se battre contre le pire Personne n'y échappe, Rouda c'est pas toi qui vas me
contredire • C'est l'ultime épreuve où tu affrontes la pire souffrance morale • Quand la peine rejoint
l'impuissance pour la plus triste des chorales • J'ai vu des drames à cœur ouvert, j'ai vu des gens qui s'accrochent • Ce qui est bien avec le
drame, c'est que tu le partages avec tes proches • Pour les miens il est peut-être l'heure de m'arrêter un court
instant • Pour les remercier d'avoir du cœur et un mental de résistant La vie est aussi perverse, ce que tu désires elle l'a caché Elle te le donnera pas tout cuit, il va falloir aller le chercher • Du coup ce qu'on a,
on le mérite, au hasard on a rien piqué • Et si t'as pas compris, va voir mes potes ils vont t'expliquer • Jacky, tu m'as dit que l'ascenseur social était bloqué • Toi t'es allé chez Otis et le réparateur tu
l'as braqué • Sans craquer, sans rémission, t'as affronté de vraies missions • Tu m'as montré qu'avoir du mental, c'est
aussi avoir de l'ambition • Y'a pas de chemin facile, Brahim t'as rien demandé à personne • T'as tout construit
de tes mains et y'a pas que moi que tu impressionnes • Toi Sami t'es notre moteur parce que tu sais depuis longtemps • Que pour que ça chémar il faut du cœur et un mental de résistant • Je crois qu'on a tous une bonne
étoile sauf que des fois elle est bien planquée • Certaines même plus que d'autres, il faut aller les débusquer • Parfois ça prend du temps quand tu fais trois fois le tour du ciel • Mais si tu cherches c'est que tu
avances, à mon avis c'est l'essentiel • Je fais partie de ceux qui pensent qu'y a pas de barrière infranchissable
• Il faut y croire un peu, y'a bien des fleurs qui poussent dans le sable • Et c'est
quand tu te bats qu'il y a de belles victoires que tu peux arracher • Comme se relever avec une moelle épinière en papier mâché • Je
n'apprends rien à personne, tu es vivant tu sais ce que c'est • Vivre c'est accepter la douleur, les
échecs et les décès • Mais c'est aussi plein de bonheur, on va le trouver en insistant Et pour ça, faut du cœur
et un mental de résistant.